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« Apprendre à décrypter » : c’est l’une des mesures phares annoncées par le gouvernement pour tenter de lutter contre la propagation des rumeurs 2.0., contre les discours de haine, contre les thèses conspirationnistes et autres théories du complot.
Il est évident que la démarche est louable, et sans aucun doute nécessaire.
Mais elle doit être pensée, car rien ne serait plus trompeur que d’imaginer que la seule logique de « décryptage » pourrait éviter la prolifération de théories paranoïaques et haineuses.


Éducation aux médias par AcademiedeCreteil

Rappelons d’abord que le principe d’une éducation aux images n’est pas nouveau, dans la mesure où les programmes scolaires du collège et du lycée, notamment en français, intègrent depuis maintenant longtemps comme objectifs principaux l’analyse des médias et la lecture des images.

Ajoutons, ensuite, et c’est essentiel pour en mesurer les limites actuelles, que ce souci pédagogique est très largement relayé par le discours journalistique lui-même, qui s’est, depuis une trentaine d’années, spécialisé dans le fameux « décryptage » tous azimuts.

Il n’y a plus un quotidien, un news magazine, une émission de télévision ou de radio, un site web d’information, qui ne promette de « décrypter » le monde, en cherchant à déceler les « stratégies », les « zones d’ombre », les « secrets », les « dessous », les « coulisses », les « combines », les « à-côtés »…
Autrement dit, qu’on le veuille ou non, à postuler que le bon regard en matière d’information et d’explication du monde consiste à douter, à se défier et à se méfier.

S’il convient de mettre en place dans nos collèges un enseignement aux images, aux médias et au « montage » médiatique, il est indispensable de transmettre, en contrepoint, une histoire réflexive des manières de lire les images, de les charger de valeurs ou de contre-valeurs.
En d’autres termes : ne pas confondre la réflexion sur les images et leurs interprétations possibles, avec le réflexe paranoïaque qui consiste à postuler a priori que la « vérité est ailleurs », que l’on nous ment et que l’on nous manipule.

Alors, comment éduquer les enfants, les élèves et les étudiants à ces discours sur les images ?
La tâche, avouons-le, est absolument colossale. Mais des solutions existent.

L’histoire des méthodologies d’analyse des images est aussi importante à prendre en compte que les analyses elles-mêmes. Rien n’est plus contre-productif que de laisser des élèves ou des étudiants face à des productions médiatiques en leur donnant pour seule consigne de les « décrypter ».
Il faut présenter, en regard des productions médiatiques, ce que « décrypter » veut dire dans nos sociétés des écrans et des images disponibles en continu.

Le décryptage est devenu un discours dominant pour ne pas dire idéologique. Ne pas y souscrire est devenu suspect. Mais le décryptage est lui-même englobé dans des gestes rhétoriques : « décrypter » n’est jamais neutre d’un point de vue éditorial, herméneutique ou intellectuel.
Le discours décrypteur appartient lui-même à un objectif analytique qui peut être le plus sain, comme détruire la nocivité de certains stéréotypes par exemple, mais qui peut être le plus malveillant, à savoir construire un monde de soupçon généralisé, explicable par une hypothèse unique et totalitaire : le complot.
Le décryptage n’est pas toujours le remède, il est ainsi parfois le mal.

  • Le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et ses partenaires ont créé Éducation & médias, un site web pour découvrir, comprendre et décrypter les médias audiovisuels et leurs pratiques. Ce site propose des informations simples et des outils concrets à l’adresse clesdelaudiovisuel.fr/
  • Décrypter les médias : le fond et la forme – Fiche d’Educnet
    Cette fiche méthodologique invite à un questionnement systématique et donne quelques conseils pour analyser la presse (écrite, audiovisuelle et en ligne) aussi bien sur le fond que sur la forme :