ÉDUCATION MULTIMÉDIA COMMUNIQUER RESSOURCES PRÉVENTION COMPORTEMENT INTERNET RÉPONSES COMPRENDRE CITOYENNETÉ NUMÉRIQUE QUESTIONS

Publication non consentie de photos et vidéos « intimes » sur internet :

Par Gauthier Lecocq, m-à-j 02/2022

Avocat au barreau de Paris
Cabinet BARISEEL-LECOCQ & ASSOCIÉS AARPI Inter-Barreaux

L’objet de cet article est d’expliquer comment lutter contre le « revenge porn », de définir ce nouveau phénomène et quelles sont les règles juridiques existantes pour s’en défendre.

I- Quelle est la définition du « revenge porn » ?

La pratique dite du revenge porn (= vengeance pornographique ou porno-vengeance) consiste pour une personne à diffuser auprès du public ou à un tiers des contenus à caractère pornographique concernant une autre personne, dans le but de l’humilier en dévoilant son intimité.

C’est bien la diffusion au public ou à un tiers de ces contenus particuliers, sans le consentement, de la victime qui est sanctionnée pénalement.

Par ailleurs, l’infraction de revenge porn est effectivement consommée lorsque que les contenus ont été diffusés :
- par l’envoi d’un sms ou d’un mail ;
- sur Internet ;
- sur une publication sur les réseaux sociaux (Tiktok, Facebook, Instagram, Snapchat,etc.).

Enfin, le Législateur entend par « tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel » : à savoir des photos intimes, des vidéos intimes ou encore des sextos (= des propos à caractère sexuel rédigés à titre privé).

II- Comment réagir en présence d’un cas de revenge porn ?

Pour les victimes mineures.

1ère étape : les parents doivent avertir leurs enfants des conséquences et risques qu’ils encourent en envoyant des contenus pornographiques.

A titre préalable, il incombe aux parents de faire de la prévention en discutant avec leurs enfants afin de les responsabiliser sur le danger de l’envoi de tels contenus.

Il s’agit de les informer sur les conséquences (à court et long terme) des risques pris par ces derniers : un partage malveillant de ces contenus par des tiers ; une réputation ternie de l’enfant et a fortiori de sa famille ; des difficultés de retirer les contenus litigieux sur internet ; etc.

Si l’enfant est d’ores et déjà victime de faits de revenge porn, il est alors indispensable pour les parents de le rassurer, de le soutenir, de le déculpabiliser et enfin de l’accompagner dans les démarches tendant à mettre un terme à l’infraction.

En effet, il est très important de ne pas laisser le mineur seul.

2ème étape : Les parents doivent alerter l’établissement scolaire de leur enfant victime.

Il revient à l’enfant victime ou à ses parents ou à tout témoin direct de prévenir immédiatement la direction de l’établissement scolaire (école, collège ou lycée) dès lors que l’auteur du revenge porn est également un élève.

A cet égard, tout membre du personnel éducatif (surveillant, enseignant, proviseur, etc…) ayant connaissance de faits de revenge porn doit avertir sans délai le procureur de la République, en lui communiquant tous les renseignements relatifs aux faits litigieux.

Les parents de l’enfant victime peuvent également solliciter un changement d’établissement scolaire, en saisissant la Direction Académique des Services de l’Éducation Nationale (DASEN).

3ème étape : Les parents doivent déposer plainte auprès des services de Police ou de Gendarmerie nationale.

Le revenge porn est une infraction délictuelle.

Dès lors, les parents de l’enfant victime disposent d’un délai de 6 ans à compter de la commission des faits pour se rendre dans un Commissariat de Police ou dans les locaux de Gendarmerie nationale, et y déposer plainte au nom de leur enfant, soit contre X (auteur des faits inconnu) soit contre l’auteur ou les éventuels complices.

Lors du dépôt de plainte, il est important de remettre aux services de Police ou aux Gendarmes toutes les preuves de l’infraction, et notamment des captures d’écran des photos, des vidéos ou des sextos ayant été diffusés au public.

4ème étape : Les parents doivent surveiller les réseaux sociaux de leurs enfants.

Les parents de l’enfant victime doivent immédiatement procéder au signalement en ligne des contenus à caractère pornographique sur les réseaux sociaux (Facebook, Snapchat, Instagram, etc…) ou à la plateforme du site, afin d’arrêter leur diffusion.

Il est également possible de procéder à un signalement sur le site du ministère de l’Intérieur suivant : https://www.internet-signalement.gouv.fr/

En outre, il faut rapidement bloquer le ou les auteurs de la diffusion des contenus litigieux.

De la même façon, l’article 17 du Règlement UE 2016/679 offre la possibilité d’obtenir l’effacement des données personnelles litigieuses en ligne (photos, vidéos, textes…) : il s’agit du droit à l’effacement.

Pour les victimes majeures.

Il est recommandé à la victime majeure de déposer une plainte pénale, de procéder au signalement en ligne et de solliciter l’effacement des données personnelles, selon les modalités ci-avant décrites aux étapes 3 et 4.

III- Quelles sont les sanctions pénales passibles pour les auteurs de faits de revenge porn ?

La loi du 7 octobre 2016 a créé l’article 226-2-1 du Code pénal définissant l’infraction de revenge porn.

Cet article dispose :

« Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende.

Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1. »

Ce délit est puni d’une peine de 2 ans d’emprisonnement et d’une peine de 60 000 euros d’amende.

A côté de cette infraction, il est important de préciser que le Législateur a également souhaité sanctionner pénalement :
- le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et d’une peine de 75 000 euros d’amende (article 227-23 du Code pénal).
Lorsque l’image ou la représentation concerne un mineur de quinze ans, ces faits sont punis même s’ils n’ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation.


- le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique, y compris des images pornographiques impliquant un ou plusieurs animaux, ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur (article 227-24 du Code pénal).

Quelques exemples de condamnations en cas de revenge porn :
- Jugement du Tribunal correctionnel de Pau du 18 août 2020 : le prévenu a été condamné à une peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis probatoire (obligations de soins, interdiction de contacter la victime et obligation d’indemniser la victime) ;
- Jugement du Tribunal correctionnel de Nevers du 24 mars 2021 : le prévenu a été condamné à une peine de 4 mois d’emprisonnement avec sursis et à verser la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts à la victime ;
- Jugement du Tribunal correctionnel de Saint-Pierre-et-Miquelon du 25 mai 2021 : le prévenu a été condamné à une peine de 18 mois de sursis probatoire et à verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts à la victime.

IV- Que faire en cas de menace de diffusion de contenus à caractère pornographique ?

L’article 312-10 du Code pénal prévoit que le fait d’obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération (par exemple : une photo ou une vidéo intime), soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque constitue l’infraction de chantage punissable d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Attention ! Lorsque l’auteur du chantage a mis sa menace à exécution, la peine est portée à 7 ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende selon l’article 312-11 du Code pénal.

Gauthier Lecocq
Avocat au barreau de Paris
Cabinet BARISEEL-LECOCQ & ASSOCIÉS AARPI Inter-Barreaux

Ancien article de 2014 :

Très récemment, un hacker a publié sur un forum américain des centaines de photographies privées de stars hollywoodiennes. Selon le site www.rue89.nouvelobs.com, qui a grandement contribué à la révélation de cette affaire, certaines de ces photos étaient très « intimes » et n’avaient, manifestement, aucune vocation à être publiées sur la toile. Bien que sensationnelle par son impact médiatique, cette affaire de divulgation non autorisée de photos ne revêt finalement aucun caractère nouveau ni original. En effet, à une époque où les appareils photos sont intégrés dans les téléphones portables, il apparaît que de plus en plus de photographies sont publiées chaque jour sur le web sans que l’accord des personnes qui y figurent soit nécessairement recueilli au préalable. C’est dans ce contexte de publication massive d’images privées et d’utilisation exponentielle de Facebook et autres réseaux sociaux que s’est développée une pratique pour le moins détestable : le « revenge porn ».

Le principe du « revenge porn » est simple : il s’agit de porter atteinte à l’honneur de son ex-petit(e) ami(e), en publiant à son insu des photographies ou des vidéos intimes le/la concernant sur internet.

La plupart du temps, les « vengeurs » postent les photographies ou vidéos litigieuses sur des blogs dédiés à cette activité, lesquels portent généralement les nom et prénom de l’ex-conjoint(e).

Le sentiment de honte de la victime est garanti. L’humiliation subie est d’autant plus importante que les informations divulguées sur le web, lorsqu’elles ont un certain intérêt, sont partagées très rapidement, de manière virale. Il devient alors très difficile d’effacer toute trace d’une photo intime, même si la photo source est supprimée.

Face à ce fléau que représente le « revenge porn », est-il possible de se protéger efficacement ?

Assurément, la réponse est positive. Toutefois, il convient d’agir au plus vite, pour limiter au maximum les atteintes à la réputation.

Le droit français est-il efficace contre le « revenge porn » ?

Sur le plan pénal, le « revenge porn » constitue une infraction, prévue et réprimée par l’article 226-1 du Code pénal. Cet article dispose que :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :

1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé  ».

L’auteur d’un acte de « revenge porn » peut donc être cité devant un Tribunal Correctionnel et encourir une peine de prison.

C’est d’ailleurs en application de cet article 226-1 du Code pénal qu’un individu a été condamné par le Tribunal correctionnel de Metz, le 3 avril dernier, à 12 mois de prison avec sursis et à 5000 euros de dommages et intérêts.

Toutefois, l’article 226-1 du Code pénal semble présenter certaines limites concrètes.

En effet, seule la transmission de l’image d’une personne se trouvant dans un « lieu privé » peut donner lieu à poursuites.

Dans ces conditions, est-il envisageable de lutter contre la divulgation d’une photographie compromettante prise dans un lieu public ?

Fort heureusement, oui. L’article 9 du Code civil vient combler cette lacune du Code pénal, puisqu’il prévoit que toute personne dispose d’un droit exclusif sur son image, attribut de la personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite.

Aussi, en vertu de ce texte, la victime d’un acte de « revenge porn » peut s’opposer à la diffusion de son image sans son autorisation et obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait.

Que doivent faire les victimes de « revenge porn » ?

Les victimes de « revenge porn » poursuivent souvent deux objectifs :

  • faire supprimer au plus vite les images compromettantes ;
  • poursuivre la personne à l’origine des divulgations.

Comment obtenir la suppression des photos ou vidéos intimes ?

Pour faire supprimer les images et/ou vidéos compromettantes, il convient de prendre attache avec l’éditeur du site litigieux, après avoir fait établir, en urgence, un procès-verbal de constat d’huissier. Le procès-verbal sera en effet un élément très important pour poursuivre le responsable des divulgations par la suite.

Toutefois, si le site est un blog créé spécifiquement dans le but de publier les photos intimes de la victime, le directeur de la publication du site sera vraisemblablement la personne à l’origine des divulgations. La victime ne pourra donc espérer aucun résultat concret.

Celle-ci devra alors s’adresser à l’hébergeur du site ou du blog, en respectant les dispositions de l’article 6-I-5 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
En raison du caractère manifestement illicite des photos mises en ligne, l’hébergeur sollicité sera tenu de supprimer les contenus portés à sa connaissance, dans les plus brefs délais.

A défaut de réaction, sa responsabilité pourra être engagée.

La victime sera alors contrainte de saisir un Tribunal, via une action en référé d’heure à heure, pour qu’un juge ordonne à l’hébergeur de supprimer les photos/vidéos litigieuses.

Comment poursuivre le « vengeur » ?

La principale difficulté réside dans le fait que l’auteur d’un acte de « revenge porn » agit souvent masqué, c’est-à-dire sous couvert d’anonymat.

Bien entendu, la victime connaît généralement l’identité de la personne à l’origine des divulgations.

Toutefois, sur le plan juridique, les soupçons sont insuffisants ; il convient de pouvoir formellement identifier le « vengeur ».

La victime dispose alors de plusieurs alternatives pour le débusquer.

Si l’article 226-1 du Code pénal peut être invoqué (ce qui est le cas lorsque les photos litigieuses ont été prises dans un lieu privé), la solution la plus économique consiste à déposer plainte.

Les services compétents doivent alors, en théorie, diligenter une enquête pour retrouver l’auteur de l’infraction. Toutefois, la pratique démontre que les affaires de « revenge porn » avancent souvent lentement, les enquêteurs n’étant pas toujours correctement formés pour combattre ce type d’infraction.

Aussi, pour gagner du temps, la victime peut également choisir de saisir le Président du Tribunal de Commerce ou du Tribunal de Grande Instance du lieu de l’établissement du procès-verbal de constat, afin que ce dernier ordonne à l’hébergeur de communiquer, dans un certain délai et sous astreinte, les données d’identification de la personne à l’origine de la publication des photographies.

Toutefois, le seul élément exploitable généralement transmis par l’hébergeur sera alors l’adresse IP de l’ordinateur du « vengeur ».

Dans cette hypothèse, une nouvelle procédure sur requête devra être engagée, devant le même Tribunal, pour que le fournisseur d’accès à internet gérant l’adresse IP désignée soit condamné à transmettre l’ensemble des données en sa possession.

Bien que quelque peu contraignante, l’identification complète du « vengeur » peut être réalisée dans un intervalle d’un mois environ, sous réserve d’une bonne collaboration des hébergeurs et des fournisseurs d’accès, bien entendu.

Une fois le vengeur identifié, la victime pourra alors, enfin, le poursuivre devant une juridiction civile ou pénale, et demander des dommages et intérêts pour préjudice moral.

Les victimes d’actes de « revenge porn » ne sont donc pas démunies et peuvent elles aussi se « venger du vengeur », grâce à un arsenal juridique relativement efficace.

Toutefois, n’oublions pas que la meilleure des protections, bien que relative, consiste à sécuriser l’accès à ses données avec un mot de passe complexe.

En effet, il est toujours recommandé d’éviter les problèmes, en les traitant en amont…

Dans un prochain billet, nous évoquerons un autre fléau propre au réseau internet : les arnaques et extorsions de fonds à la webcam.

Affaire à suivre !